Le lettrisme

Académie des Arts Appliqués

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« Art qui accepte la matière des lettres réduites et devenues simplement elles-mêmes et qui les dépasse pour mouler dans leur bloc des œuvres cohérentes. » Isou Goldstein.

L’origine du mouvement lettriste

Nous devons les débuts de ce mouvement artistique à Isidore Isou Goldstein, d’origine roumaine, qui est arrivé en France en 1945. Philosophe de formation, Isou désire une société paradisiaque aux antipodes de la société du moment, une société de loisirs créatifs, où le travail est aboli.

Le Lettrisme est, à ses débuts, un mouvement poétique d’avant-garde qui célèbre la Lettre en tant que telle, non plus comme un vecteur de sens mais comme une entité à part entière. Les mots n’ont plus d’importance, seule importe la lettre. Le Lettrisme concerne alors essentiellement la poésie et la musique et fait naître des poèmes chantés construits à travers une correspondance de sons.

En 1946, Isou Goldstein explique son projet révolutionnaire de « destruction des mots pour les lettres », en présentant le lettrisme comme une « nouvelle poésie et une nouvelle musique ». Cette nouvelle poésie-musique est baptisée « lettrie ». En 1947 Isou publie un nouvel alphabet lettrique, dans son ouvrage intitulé « Première épître aux lettristes. Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique » (édité à Paris, aux éditions Gallimard).

Dans ce nouvel alphabet nous trouvons dix-neuf lettres grecques ajoutées, qui signalent des bruits vocaux et corporels, comme, par exemple la toux, les sifflements ou encore les ronflements. De cette manière, pour Isou, les lettres reprennent leur fonction première des onomatopées, et ne sont pas des simples imitations de sons. Par la suite, Maurice Lemaître, l’un des admirateurs et successeurs de Goldstein Isou, souhaite perfectionner cet alphabet en y inscrivant des paramètres de mise en voix, comme l’intensité, la durée, ou encore les silences.

La lettre, matériau d’un « hyper art »

Naturellement, en plus de son aspect sonore, la Lettre, possède un caractère éminemment visuel. Ainsi, les lettristes sont progressivement amenés à créer des œuvres plastiques. La démarche commence en disposant les lettres sur la feuille sous forme de poèmes visuels, perceptibles par la vue comme par l’ouïe ou encore l’odorat. Les adeptes du mouvement lettriste ont caractérisé cette nouvelle forme de peintre de « hypergraphique », pour signifier l’importance de travailler la matière même de la lettre.

L’objectif principal à l’origine de la création du mouvement de Lettrisme est le bouleversement intégral des arts et de la société. Cette conception globale se traduit par une volonté de repenser les supports, c’est à dire les moyens de la création. Partant de la lettre comme matériau sonore et plastique, les lettristes s’attaquent ensuite aux matériaux cinématographiques : le son et l’image, en les dissociant et en les fragmentant complètement, (nous pouvons retrouver l’exemple de Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou, qui est son premier film réalisé en 1951).

Source: FliCkr, Untitled (1972) – Joao Vieira (1934-2009), Museu Nacional de Arte Contemporânea (MNAC), Lisbon, Portugal 

Au fur et à mesure, le mouvement prend de l’ampleur et les Lettristes expérimentent, appliquent les concepts d’Isou à tous les domaines artistiques (poésie, peinture, roman, cinéma, photographie, sculpture, architecture…)  mais aussi ceux de la pensée. Le mouvement s’empara systématiquement de tous les domaines du Savoir et de la Connaissance, dont les Sciences Sociales (économie, droit, psychologie…) ou encore des Sciences Naturelles (chimie, médecine…). Cela se traduit par exemple avec un cinéma sans images, des poésies réduites aux lettres, la peinture confondue aux écritures, des romans déconstruits et remplacés par des collages formels, anagrammes, alphabets hiéroglyphes, pictogrammes ou encore des mots croisés. 

Quel avenir ?

Ce qui explique, aujourd’hui, la méconnaissance de ce courant artistique du grand public et la rareté des œuvres lettristes sur le marché est que le Lettrisme se considère comme seul dépositaire du droit au renouvellement. Seules les personnes autorisées et acceptées par le créateur du mouvement, Isou, se sont vu octroyer le droit de se revendiquer lettristes et de produire des œuvres dans le cadre de ce mouvement.