Apparu en Italie au milieu des années 1960, le mouvement de l’antidesign, aussi appelé anti-modernisme, est une réaction au mouvement moderniste dont les lignes étaient parfois considérées comme trop épurées, minimalistes et dont l’objectif principal était la fonctionnalité. L’antidesign s’inspire de la culture populaire et de la société de grande consommation. Ainsi, les objets et meubles dits antidesign sont intensément colorés, ont des formes originales et sont composés de matériaux nouveaux comme les textiles synthétiques, le plastique ou encore le formica. En réponse à la société de consommation, le mouvement se centre davantage sur le potentiel social et culturel du design plutôt que sur un style à adopter dans le but d’augmenter les ventes.
Durant 20 ans, et avant l’arrivée du post-modernisme, de nombreux designers ont participé au développement du mouvement. On peut citer Ettore Sottsass, considéré comme le porte-parole de l’antidesign. Après ses débuts dans l’architecture et dans la céramique, Ettore Sottsass, grand dénonciateur du consumérisme, va faire du design un véritable outil qu’il va utiliser pour donner un nouveau tournant à la société. Ettore Sottsass s’est notamment fait un nom parmi les plus grands designers grâce à sa collaboration avec la firme italienne Olivetti. De nombreux objets sont nés de cette collaboration, dont la Valentine, une machine à écrire portative de couleur rouge vif.
Parmi ses principales convictions, on retrouve une remise en cause de la surconsommation ainsi qu’une opposition à tout ce que l’on peut considérer comme conventionnel. Ses valeurs et ses expériences le poussent à s’interroger sur la portée sociétale du design. C’est ainsi que nait la célèbre exposition « Italy : the New Domestic Landscape » du Museum of Modern Art (MoMA) de New York.
De cette volonté de créer et de produire un mobilier design en tant qu’œuvre d’art dans le but de modifier la perception qu’à l’Homme de l’objet est né le groupe Memphis. Créé en 1980 à Milan, le groupe Memphis rassemble des jeunes designers autour des couleurs primaires et de lignes déstructurées. C’est un groupe italien qui, contrairement à d’autres mouvements de design, ne répond à aucun manifeste mais plutôt à une volonté de fabriquer des meubles dans une grande liberté. Le groupe Memphis est notamment reconnu pour son utilisation du formica, un matériau considéré comme vulgaire et de basse qualité, qu’ils ont su retravailler en le customisant et en l’associant à d’autres matériaux plus classiques comme le métal, le tissu ou encore le bois laqué.
L’antidesign est un mouvement qui touche toutes les formes du design, de la peinture à la photographie, en passant par l’architecture où l’on parle même de Radical Design. Emergent également en Italie à la fin des années 1960, ce dernier présente des similitudes avec l’antidesign mais se distingue par son aspect plus théorique, plus politisé et plus expérimental. L’objectif principal de ce mouvement est de contester la société de consommation, il partage donc les valeurs de l’antidesign et s’inscrit dans la même lignée que celui-ci.
Bien qu’ayant pris fin il y a plus de 40 ans, l’antidesign continue à influencer les designers actuels et les tendances. Depuis quelques mois sur les réseaux sociaux, vous n’êtes certainement pas passé à côté de ce fameux miroir lumineux aux bords ondulés et de couleur rose pastel. Vous avez notamment pu le retrouver sur le compte Instagram de Léna Situations ou encore sur celui-ci de la mannequin Elsa Hosk. Véritable symbole d’influence, de nombreux comptes et de nombreuses marques ont partagé l’objet et s’en sont inspirés. Que ce soit pour réaliser d’autres objets inspirés de celui-ci ou pour inspirer tout un univers communicationnel, le célèbre miroir est revenu sur les devants de la scène. Au printemps dernier, toutes les influenceuses se l’arrachaient sans pour autant connaître l’histoire derrière cette pièce maîtresse de l’antidesign. En effet, il s’agit de l’Ultrafragola, réalisé en 1970 par Ettore Sottsass. Ainsi, on peut donc souligner l’influence du mouvement qui ne cesse d’avoir un impact, encore aujourd’hui, après plusieurs décennies.
Il y a deux semaines, à l’occasion d’un workshop d’une semaine organisé au sein de l’Académie des Arts Appliqués, nous avons fait le choix de soumettre ce thème de l’antidesign à une partie de nos élèves. Un thème qui leur a donné du fil à retordre et leur à demandé de la réflexion et une grande ouverture d’esprit. En effet, demander à des futur·es designers d’aborder la question de l’antidesign peut apparaitre comme un piège mais cela leur permet de travailler sur les fondamentaux du design et de revoir ce mouvement artistique qui influence, encore aujourd’hui, notre vision du design.
